Un trésor

Qui croyait que j’en étais capable ? Personne, ni au village, ni dans mon entourage. Et pourtant je l’ai fait, je suis partie avec Emilie. Mon frère m’a aidé à charger le gros paquet. Il n’est pas très lourd mais encombrant, j’ai confiance en Emilie pour le transporter. Elle, car c’est un oiseau femelle, a grandi avec moi, puis elle m’a largement dépassé et nous ne nous quittons jamais.

Depuis deux jours, arrivées au bord de la mer, nous nous cachons dans un bois, à l’abri des regards. Hier soir deux navires, des deux mâts, ont jeté l’ancre dans la baie et des marins sont venus à terre dans deux chaloupes.

Aujourd’hui le soleil est timide, quelques nuages laissent passer ses rayons pour permettre à la mer de s’habiller d’une belle couleur bleue. Tout en restant tapie derrière la barrière des arbres, j’observe le spectacle de l’étendue marine et des rochers qui la surplombent, coiffés d’un immense château. Dans cette bâtisse impressionnante réside un seigneur redoutable, d’aucuns disent que c’est un ancien pirate qui pille la région depuis son installation, cinq ans auparavant. Ces pensées me plongent dans une grande tristesse, nous vivions autrefois en sécurité sans crainte de brigands.

A cet instant je suis surpris par un jeune homme. Vêtu à la manière d’un matelot, il est tout aussi étonné que moi, probablement par cet équipage que nous formons avec ma compagne Emilie qui ne manifeste, selon son habitude, aucune réaction. Le sourire du visiteur me donne le courage de lui parler.

– Bonjour, je m’appelle Aurélie et voici Emilie mon émeu, très gentil, ne craignez rien.

Celui à qui je viens d’adresser la parole, ne répond pas. Peut-être ne comprend-t-il pas ma langue. Comment faire ?

Je lui explique par signe que j’aimerais embarquer sur l’un des bateaux avec Emilie. Il continue à sourire puis disparaît rapidement. Ai-je été imprudente vis-à-vis de cet inconnu ? Va-t-il revenir accompagné de soldats ? Va-t-il me dénoncer au château ?

Je m’abrite un peu plus pour éviter toute nouvelle surprise. Emilie reste calme jusqu’au moment où son cou se dresse, le regard aux aguets. Elle aperçoit un nouvel intrus. Derrière les branchages  je devine un autre matelot accompagné cette fois-ci d’un chien. Ce quadrupède bien moins poilu que ma compagne, a déclenché la vigilance de l’oiseau. Alors qu’il est tout proche, le marin s’écrie, très approximativement dans ma langue :

– Jour mamzelle, vous voir !

Sans précaution je me découvre.

– Bonjour dis-je à ce jeune homme vêtu d’un vareuse couleur brique et  qui se présente comme le bosco d’un des deux navires faisant route ensemble. Je lui explique mon intention d’embarquer.

Emilie fixe le chien qui se tient en retrait derrière son maître. Pendant ce temps les palabres des humains vont bon train malgré certaines difficultés, dues à la faible connaissance de la langue de mon navigateur. Parfois nos paroles sont illustrées par quelques dessins au sol l’aide d’une branche. Le marché est enfin conclu,  Emilie pourra embarquer.

J’ai hâte que la nuit arrive pour monter à bord le plus discrètement possible. Je suis heureuse, car je vais pouvoir mettre à l’abri sur une île, loin des convoitises du seigneur, le trésor que les villageois m’ont confié, un objet sacré.

Emilie m’observe, j’ai l’impression qu’elle sourit.

Jean-Georges                                                                                                                                                           17 mars 2014

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